I. L’interdiction actuelle pour une société de payer une contravention pour le compte de son employé
Contrairement à une croyance répandue, il est illégal pour une société de payer une contravention en lieu et place de son salarié lorsqu’une infraction routière est commise avec un véhicule de l’entreprise.
En effet, aux termes de l’article L 121-2 du Code de la route :
« Par dérogation aux dispositions de l’article L. 121-1, le titulaire du certificat d’immatriculation du véhicule est responsable pécuniairement des infractions à la réglementation sur le stationnement des véhicules ou sur l’acquittement des péages pour lesquelles seule une peine d’amende est encourue, à moins qu’il n’établisse l’existence d’un événement de force majeure ou qu’il ne fournisse des renseignements permettant d’identifier l’auteur véritable de l’infraction.
[…]
Lorsque le certificat d’immatriculation du véhicule est établi au nom d’une personne morale, la responsabilité pécuniaire prévue au premier alinéa incombe, sous les mêmes réserves, au représentant légal de cette personne morale. »
Ainsi, la règle est que le titulaire de la carte grise est présumé responsable des infractions routières commises avec le véhicule.
Cependant, le titulaire de la carte grise destinataire d’une contravention routière peut réfuter en être le conducteur lors de l’infraction mais doit alors dénoncer l’identité du conducteur véritable.
A défaut, dans le cadre d’une carte grise établie au nom d’une personne morale, c’est le représentant de la personne morale qui est pécuniairement responsable. Donc, si le chef d’entreprise ne souhaite pas dénoncer son employé, il est redevable sur ses deniers personnels de la contravention.
Cette disposition est ancienne car déjà présente dans l’ancien Code de la route sous l’article L21-1.
En outre, la jurisprudence est particulièrement explicite à ce sujet :
« Attendu qu’il résulte de ces textes que, lorsque le certificat d’immatriculation d’un véhicule verbalisé pour excès de vitesse est établi au nom d’une personne morale, seul le représentant légal de celle-ci peut être déclaré redevable pécuniairement de l’amende encourue ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que la société S.T.D.M, titulaire du certificat d’immatriculation d’un véhicule verbalisé le 28 février 2007 pour excès de vitesse, a été déclarée redevable pécuniairement par la juridiction de proximité de l’amende encourue pour cette contravention ;
que, sur le seul appel de cette société, l’arrêt a confirmé la décision du premier
juge ;
Mais attendu qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et du principe énoncé ci-dessus ;
D’où il suit que la cassation est encourue. »
Cass. Crim. 30 septembre 2009, pourvoi N°09-80178
Ainsi, et depuis de nombreuses années, si le chef d’entreprise ne veut pas dénoncer ses salariés, il doit payer personnellement les contraventions. Il est en effet illégal pour un chef d’entreprise de faire payer par sa société les contraventions routières de ses salariés.
Selon la forme sociale de l’entreprise, en faisant cela le dirigeant s’expose à des poursuites au titre de l’abus de biens sociaux, en utilisant le capital de sa société à des fins non autorisées.
Pour rappel, l’abus de biens sociaux est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 375.000 euros d’amende…
Ces dispositions sont d’ailleurs rappelées sur les avis de contravention adressés à la personne morale titulaire de la carte grise dans un encadré en haut à gauche de l’avis :
« Si vous n’êtes pas en mesure de désigner l’auteur de l’infraction, en votre qualité de représentant légal vous êtes pécuniairement responsable et redevable à ce titre de l’amende. Cette amende vous est personnelle et ne peut donc être prise en charge par la personne morale dont vous êtes le représentant légal (un tel paiement peut vous exposer à des poursuites pénales). »
En pratique, il sera cependant relevé que les poursuites des dirigeants des sociétés ayant payé, sur le patrimoine de celles-ci, les contraventions de leurs salariés sont quasiment inexistantes. Mais, en l’état actuel du droit, des poursuites sont possibles.
Il suffirait en conséquence d’un changement de politique pénale des parquets de France pour que de nombreuses entreprises et chefs d’entreprise soient poursuivis pour des infractions lourdement sanctionnées.
Il doit donc être mis fin à la croyance qu’une société peut supporter le coût des contraventions commises par ses salariés avec les véhicules de l’entreprise.
En outre, à cette obligation pratique de dénonciation, par la responsabilité pécuniaire personnelle de l’employeur, la loi « de modernisation de la justice du XXIe siècle » est venue ajouter une obligation légale de dénonciation du conducteur véritable.
II. La nouvelle obligation légale de dénonciation par l’employeur du conducteur véritable
Le projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle a été définitivement adopté le 12 octobre 2016.
En son article 34, il y est prévu un nouvel article L 121-6 du Code de la route créant l’infraction de non divulgation du nom du salarié auteur d’une infraction routière, telle que suivante :
« Lorsqu’une infraction constatée selon les modalités prévues à l’article L. 130-9 a été commise avec un véhicule dont le titulaire du certificat d’immatriculation est une personne morale ou qui est détenu par une personne morale, le représentant légal de cette personne morale doit indiquer, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou de façon dématérialisée, selon des modalités précisées par arrêté, dans un délai de quarante-cinq jours à compter de l’envoi ou de la remise de l’avis de contravention, à l’autorité mentionnée sur cet avis, l’identité et l’adresse de la personne physique qui conduisait ce véhicule, à moins qu’il n’établisse l’existence d’un vol, d’une usurpation de plaque d’immatriculation ou de tout autre événement de force majeure.
Le fait de contrevenir au présent article est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe. »
Pour rappel, la contravention de 4ème classe est d’un montant maximum de 750 euros.
Cette contravention s’applique là encore directement au dirigeant et ne peut être prise en charge par la société.
En outre, les anciennes dispositions persistent.
Ainsi, un employeur qui ne dénoncerait pas, en l’absence de motif légitime, le véritable conducteur d’un véhicule de sa société qui a commis une contravention routière serait responsable pécuniairement de la contravention commise par ce salarié et encourrait en outre une contravention de 4ème classe.
De plus, contrairement aux peines délictuelles et criminelles, en France les contraventions se cumulent.
Le nouveau texte ne dispose pas encore d’une date officielle d’entrée en vigueur, mais celle-ci est annoncée pour le 1er janvier 2017.
Ainsi, à partir de cette date, il est probable que les entreprises diligentes mettront en place une procédure rigoureuse d’identification des conducteurs des véhicules de l’entreprise avec une volonté de dénonciation automatique.
Si, celle-ci n’est pas mise en place à ce jour, ce n’est que par une mauvaise connaissance des textes actuels et des risques pénaux encourus.
Discussions en cours :
Bonjour merci pour la qualité de cet article néanmoins j’aimerai connaître un détail sur l’obligation de mon entreprise à me dénoncer en cas d’infraction.
En effet mon entreprise me demande une copie de mon permis de conduire
CE que je refuse, j’ai demandé à mon entreprise de me dénoncer en donnant mon nom et mon adresse celle-ci se dit autorisée à faire cette
demande.
mon entreprise n’a pas de pouvoir de police et je ne souhaite pas voir traîner des copies de documents officiels me concernant.
merci de votre éclairage
Bonjour,
je souhaiterais savoir ce qu’il en est pour les particuliers.
jai été convoqué et auditionné ce jour car je ne conduisais pas mon véhicule personnel et n’est pas
donne l’identité de la personne (la photo ne me permettant pas
d’identifier qui conduisait).
ils ont voulu me
faire signer un procès verbal disant que de ce
fait, cest moi qui endosserait le
retrait du point(pour excès de vitesse 82 au lieu de 70km/h) et que de plus, j’étais pécuniairement redevable d’une amende
de 400€ et des frais de justice selon l’article 121.3 du CR.
J’ai demandé qu’il me
montre cet article afin de mieux comprendre ce qui me
"tombait" dessus mais je n’ai rien lu concernant ce qu’ils m’ont dit...
ce qui est sur, cest que je les ai bien fait suer et qu’ils
ont essayé de m’intimider !
Je nai pas eu le droit de
repartir avec une copie du pv de l’audition.
Est ce normal aussi ?
merci de votre réponse.
Tel qu’annoncé, l’article L121-6 du Code de la route est entré en vigueur le 1er janvier 2017.
(Voir le texte sur légifrance.)
Faisant suite aux nombreuses questions sur ce point, le texte n’est applicable qu’aux infractions commises à partir du 1er janvier 2017.
Considération.
Thibaud CLAUS
Avocat au Barreau de Lyon
www.claus-avocat-lyon.com
Bonsoir j’ai été flashé avec mon camion à 86 km heures sur le national retenu 81 le 29 décembre 2016 mon patron en date du 4 janvier 2017 Manon ce qu’il a été obligé de me dénoncer est-ce que c’est légal à savoir que le PV a été établi le 3 janvier 2017
Bonjour
J’ai été informée d’une "surcote" des amendes lorsqu’elles sont imputables à une personne morale a été mise en place par le même article 34.
Article 34 de la loi de modernisation de la justice du XXIè siècle retranscrit dans l’article L 530-3 du code de procédure pénale pénal
« Lorsque les amendes forfaitaires, les amendes forfaitaires minorées et les amendes forfaitaires majorées s’appliquent à une personne morale, leur montant est quintuplé. »
(art.34 II. 3° a)
Cette surcote est-elle confirmée car je ne la vois pas apparaître dans le code de procédure pénale ?
Sur quel texte vous reposez-vous pour dire que les infractions commises avant le 01/01/2017 ne sont pas soumises à cette loi ? Je viens d’en recevoir deux ce matin pour mes employés et me ferait un malin plaisir à contester l’obligation de dénonciation, à condition d’être sûr et certain de ne pas risquer 2 fois 750€ d’amendes.
BONJOUR
JE SUIS CONFRONTEE A LA MEME QUESTION....A SAVOIR DOIS JE DENONCER LES CONDUCTEURS.
JE VIENS DE RECEVOIR 2 CONTRAVENTIONS.
UNE L INFRACTION EN DATE DU 27/10/2016. MAIS CONTRAVENTION ETABLIE LE 06-01-2017 ET UNE AUTRE INFRACTION EN DATE DU 14/12/2016 MAIS AUSSI ETABLIE LE 05-01-2017..
DONC QUE DOIS JE FAIRE ?
CORDIALEMENT
Je voudrais savoir quelle est la date à prendre en compte. La date de l’infraction ou la date la contravention. Dans mon cas la première est sur 2016 la deuxième sur 2017. Merci d’avance
Maître Claus,
Il semble qu’il y ait une confusion entre deux infractions bien distinctes. On parle ici de 2 infractions :
D’une part, l’infraction de non dénonciation. Le seul élément matériel de cette infraction est l’absence de "lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou de façon dématérialisée," de la part de l’employeur, remise "dans un délai de quarante-cinq jours à compter de l’envoi ou de la remise de l’avis de contravention". Hors cet élément matériel, par sa nature, ne pose pas la question de la rétroactivité. Entre d’autres termes, l’administration constatera si l’infraction de non dénonciation est constituée ou non, si elle a reçue une réponse conforme au texte, de la part l’employeur, et si réponse il y a eu, si cette réponse conforme a été envoyée dans les délais.
D’autre part, l’infraction routière elle-même : ce qui peut choquer ici, c’est que le conducteur salarié se voit éventuellement sanctionné pour une infraction commise avant le 1er Janvier 2017 alors que le texte n’obligeait pas l’employeur à le dénoncer avant le 1er Janvier. C’est un vrai sujet, mais ce n’est plus le problème de l’employeur, une fois que celui ci a transmis les informations à l’administration. Si le conducteur salarié estime qu’il peut avancer l’argument de la non rétroactivité, c’est à lui de la soulever dans un second temps.
Quand au risque supposé de "dénonciation calomnieuse" commise par l’employeur, celui-ci peut l’écarter d’une part, en justifiant d’avoir appliqué une obligation légale ne privant pas le salarié de voie de recours (car le salarié peut se défendre après avoir reçu à son tour l’avis de contravention à son nom) et d’autre part, si besoin, l’employeur peut préciser à l’administration que sa réponse ne consiste pas en une dénonciation car il ne dispose d’aucun élément matériel (comme une photo de radar de vitesse) permettant d’affirmer que le conducteur supposé est responsable, ce que l’administration doit vérifier avec le conducteur supposé, en lui donnant l’occasion de se défendre.
Bonjour,
Ok pour la date, mais cette loi concerne-t-elle également les infractions liées aux stationnement irréguliers ?
De même, doit-on également déclarer les infractions commises lors de déplacement à l’étranger (Belgique/hollande) ??
merci d’avance de votre réponse
Bonjour,
J’ai cassé un panneau avec ma remorque mon employeur ma dénoncé à la mairie et il me demande de rembourser le panneau est ce normal
Le ministere public peut il condamnai, un employer qui n est responsable d’une infraction les avocats vont encore se regaler