Peut-on forcer l’Église à effacer son nom du registre des baptêmes ?

Par Pierrick Gardien, Avocat.

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Explorer : # débaptisation # données personnelles # rgpd # conseil d'État

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L'objet de cet article est d'analyser la décision du Conseil d'État du 2 février 2024 concernant la question qui lui était posée: Peut-on obliger l'Église à supprimer son nom des registres de baptême?
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Par une décision n°461093 du 2 février 2024 qui fera jurisprudence, le Conseil d’État a posé le principe selon lequel l’Église pouvait légalement refuser les demandes d’effacement du registre des baptêmes.

CE, 2 février 2024, M. B. n°461093.

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« Celui qui croira et qui sera baptisé sera sauvé » (Marc 16 :16).

La débaptisation consiste, pour une personne baptisée, à renier son baptême et à demander à l’Église de revenir sur ce sacrement, généralement reçu à l’enfance. La demande, qui ne revêt pas de formalisme particulier, doit être adressée par écrit à la paroisse où le baptême a été célébré. Si l’Église catholique considère cette démarche comme un acte d’apostasie, elle ne s’y oppose pas et mentionne sur le registre de la paroisse une mention selon laquelle la personne « a renié son baptême ».

Cependant, la mention du baptême lui-même n’en est pas pour autant radiée des registres baptismaux.
L’Église considère en effet le baptême comme une marque indélébile d’appartenance au Christ : s’il est possible de renier, pour des convictions personnelles, son appartenance à l’Église, il n’est pas pour autant possible d’effacer le passé, le sacrement ayant bien été reçu. Le nom de la personne baptisée figure donc pour toujours dans le registre paroissial.

Mais peut-on forcer juridiquement l’Église à effacer son nom du registre des baptêmes ?
C’est la question qu’a eu à connaître le Conseil d’État le 2 février 2024.

Un particulier, M. B. a adressé au diocèse d’Angers une demande d’effacement de son nom du registre des baptêmes. Le diocèse s’étant contenté d’inscrire en marge du registre que le baptême avait été renié, l’intéressé a saisi la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) d’une plainte en se fondant sur le droit d’accès aux données à caractère personnel et le RGPD européen.

La CNIL a considéré que l’apposition en marge du registre paroissial d’une mention selon laquelle M. B. ne reconnaissait pas la valeur de son baptême pouvait être regardée comme satisfaisant à l’exercice du droit de chacun d’opposition au traitement des données personnelles le concernant et a prononcé sur ce fondement la clôture de sa plainte.

M. B., très fâché contre l’Église, n’a pas souhaité en rester là et a saisi le Conseil d’État de la question.

Par une décision n°461093 du 2 février 2024 qui fera jurisprudence, le Conseil d’État a posé le principe selon lequel l’Église pouvait légalement refuser les demandes d’effacement du registre des baptêmes (CE, 2 février 2024, M. B. n°461093).

Selon le juge administratif, l’Église doit en effet pouvoir contrôler que le sacrement du baptême n’a été reçu qu’une seule fois dans la vie d’une personne (1) et le refus d’effacement du registre paroissial ne viole aucune des dispositions du RGPD européen (2).

- Le baptême ne peut être reçu qu’une seule fois dans la vie d’une personne, ce que l’Église doit pouvoir contrôler.

En premier lieu, le Conseil d’État a rappelé que les registres des baptêmes tenus par l’Église catholique sont destinés à conserver la trace d’un événement qui, pour elle, constitue l’entrée dans la communauté chrétienne.

Le baptême, qui est la condition requise par l’Église catholique pour accéder notamment au mariage, ne peut être reçu, selon la foi catholique et l’organisation interne propre à ce culte, qu’une seule fois dans la vie d’une personne.

Or le juge administratif considère que l’effacement définitif de l’enregistrement d’un baptême pourrait faire obstacle au contrôle de cette exigence par l’Église dans l’hypothèse où l’intéressé, après avoir obtenu cet effacement, souhaiterait réintégrer la communauté chrétienne et notamment se marier religieusement.

L’Église est donc fondée à refuser l’effacement du registre paroissial sur ce premier fondement. Par ailleurs, le refus d’effacement du registre des baptêmes ne viole pas le RGPD européen selon le Conseil d’État.

- Le refus d’effacement du registre des baptêmes ne viole pas le RGPD européen.

En deuxième lieu, le Conseil d’État considère qu’une demande d’effacement de baptême ne rentre dans aucune des hypothèses prévues par le RGPD européen permettant aux particuliers d’obtenir un effacement de leurs données personnelles.

Le RGPD européen permet aux particuliers qui s’en prévalent d’obtenir un effacement de leurs données personnelles :

  • si les données à caractère personnel ne sont plus nécessaires au regard des finalités pour lesquelles elles ont été collectées ou traitées d’une autre manière ;
  • si la personne concernée retire le consentement sur lequel est fondé le traitement ;
  • si la personne concernée s’oppose au traitement pour des raisons tenant à sa situation particulière, et qu’il n’existe pas de motif légitime impérieux pour le traitement prévalant sur ses intérêts et ses droits et libertés ;
  • si les données à caractère personnel ont fait l’objet d’un traitement illicite.

Le Conseil d’État considère que les données figurant sur les registres des baptêmes ne font pas l’objet d’un traitement illicite et que leur conservation est nécessaire à l’Église. Ces documents non dématérialisés ne sont en effet accessibles qu’aux intéressés pour les mentions qui les concernent, ainsi qu’aux ministres du culte et aux personnes œuvrant sous leur autorité, dans une finalité de suivi du parcours religieux des personnes baptisées et de l’établissement éventuel d’actes ultérieurs dans le cadre de l’administration du culte catholique.

Ces données ne sont pas accessibles à des tiers et les registres sont conservés dans un lieu clos, avant, au terme d’un délai de 120 ans, d’être versés aux archives historiques du diocèse.

Par ailleurs, le Conseil d’État a indiqué que la mention des données personnelles sur le registre des baptêmes n’est pas fondée sur le consentement de la personne baptisée et qu’une demande d’effacement de baptême ne peut donc pas se fonder sur un retrait de ce consentement.

Enfin, le Conseil d’État a jugé que l’intérêt qui s’attache, pour l’Église, à la conservation des données personnelles relatives au baptême figurant dans le registre, doit être regardé comme un motif légitime impérieux, prévalant sur l’intérêt moral du demandeur à demander que ces données soient définitivement effacées.

En définitive, le Conseil d’État considère que l’apposition sur le registre des baptêmes d’une mention selon laquelle la personne baptisée a fait valoir sa volonté de renoncer à tout lien avec la religion catholique est suffisante pour assurer le respect de ses données personnelles et que la mention du baptême intervenu par le passé est indispensable à la vie de l’Église.

Celui qui, comme Jésus, a été baptisé (Matthieu 3, 11-17) ne peut donc pas obtenir en justice de contraindre l’Église à effacer son nom du registre des baptêmes.

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