Loi Littoral : les activités agricoles ou forestières autorisées en dehors des zones urbanisées (L. 121-10 du Code de l’urbanisme).

Par Pierre Jean-Meire, Avocat.

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Explorer : # urbanisme # activités agricoles # environnement

La règle de l’extension de l’urbanisation en continuité avec les zones urbanisées (L. 121-8, ancien L. 146-4-I, du Code de l’urbanisme) fait l’objet d’une dérogation pour les activités agricoles ou forestières. Aux termes de l’article L. 121-10 du Code de l’urbanisme « les constructions ou installations liées aux activités agricoles ou forestières qui sont incompatibles avec le voisinage des zones habitées peuvent être autorisées, en dehors des espaces proches du rivage, avec l’accord de l’autorité administrative compétente de l’État après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites » dans les zones d’urbanisation diffuse.

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Par une décision du 15 octobre 1999 le Conseil d’État avait jugé, s’agissant de la légalité d’un arrêté autorisant la construction d’un poulailler, que la règle de l’extension de l’urbanisation en continuité avec les zones déjà urbanisées est applicable « aux opérations de construction à usage agricole ».

Cette solution conduisait à une situation de blocage pour certaines installations agricoles qui doivent en principe être implantées à distance d’habitations, dès lors qu’elles relèvent de la législation des ICPE (L. 111-3 du Code rural).

Pour pallier cette situation de blocage, le législateur a donc prévu une dérogation à la règle d’urbanisation en continuité avec les zones déjà urbanisées (V. indiquant expressément qu’il s’agit de faire obstacle à la jurisprudence administrative appliquant l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme aux installations agricoles, « cependant, les tribunaux ont appliqué cette contrainte aux bâtiments agricoles. Cette jurisprudence a conduit au paradoxe que des installations qui doivent être implantées à plus de 100 mètres des habitations ne peuvent, dans les communes du littoral, que s’installer en continuité des villes, bourgs et villages existants. L’article vise donc à accorder une dérogation à cette obligation de construction en continuité urbaine pour la création de ces installations agricoles », Rapport n° 1481, tome I de M. François PATRIAT, fait au nom de la commission de la production, déposé le 24 mars 1999).

C’est l’article 109 de Loi n° 99-574 du 9 juillet 1999, dite « Loi d’orientation agricole », qui est venue prévoir cette dérogation.

Elle est aujourd’hui reprise à l’article L. 121-10 du Code de l’urbanisme qui dispose que « par dérogation aux dispositions de l’article L. 121-8, les constructions ou installations liées aux activités agricoles ou forestières qui sont incompatibles avec le voisinage des zones habitées peuvent être autorisées, en dehors des espaces proches du rivage, avec l’accord de l’autorité administrative compétente de l’État après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Cet accord est refusé si les constructions ou installations sont de nature à porter atteinte à l’environnement ou aux paysages ».

Cette adaptation de la loi Littoral a été poursuivie s’agissant « de la réalisation de travaux de mise aux normes des exploitations agricoles, à condition que les effluents d’origine animale ne soient pas accrus » (L. 121-11 du Code de l’urbanisme, issue de la loi DTR du 23 février 1995).

1.

Le Conseil d’État a eu l’occasion de préciser que l’avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, n’a pas à être motivé (CE 14 novembre 2014 n° 359457, inédit, V. toutefois indiquant que l’avis « doit être suffisamment motivé » Réponse parlementaire question n° 48712 JO du 15/02/2005 p .1695).

Par ailleurs, il semblerait que si la consultation de cette commission est obligatoire, « son avis n’est que consultatif ». Le préfet qui « n’est pas lié par cet avis peut passer outre ». Enfin « l’avis doit porter sur l’impact du projet sur l’environnement et les paysages » (Réponse parlementaire question n° 48712 JO du 15/02/2005 p .1695).

De manière assez surprenante, et bien qu’il s’agisse d’un avis obligatoire, la cour administrative d’appel de Marseille a jugé que, dès lors qu’un préfet avait décidé de s’opposer à un projet, il n’est pas tenu de solliciter l’avis de cette commission (CAA Marseille 30 juin 2011 n° 09MA02363).

2.

S’agissant de la décision du représentant de l’État, en principe le préfet, celle-ci peut être assortie d’une réserve à la condition qu’elle n’entraîne que des modifications sur des points précis et limités et ne nécessitant pas la présentation d’un nouveau projet (en l’espèce, accord sous réserve de respect d’une prescription formulée par la commission et demandant au pétitionnaire, de prendre l’attache du paysagiste conseil des services du ministère chargé de l’équipement, afin d’assurer la meilleure intégration paysagère possible du projet de bâtiment, notamment par la plantation d’arbres autour de la construction (CE 14 novembre 2014 n° 359457, inédit. Cette jurisprudence indique que les prescriptions du préfet ont été respectées dès lors qu’elles ont été reprises dans l’arrêté portant permis de construire, V. cons. 13).

En l’absence de réponse du représentant de l’État, c’est une décision implicite de rejet qui naît (Décret du 23 octobre 2014 n° 2014-1299).

3.

Le juge administratif contrôle l’incompatibilité avec le voisinage de l’activité agricole ou forestière en cause.

La jurisprudence a alors admis que l’activité d’élevage (V. pour une bergerie CE 14 novembre 2014 n° 359457, inédit « que l’activité d’élevage qui doit s’y dérouler n’est pas compatible avec le voisinage de zones habitées en raison des nuisances sonores et sanitaires qu’elle est susceptible de générer ») ou encore d’apiculteur (« qu’une telle activité est, par son ampleur (regroupement de 220 ruches) et la nature des risques qu’elle peut induire, incompatible avec le voisinage des zones habitées et de loisirs en lien avec la proximité du lac de Sainte Croix ; qu’il en est de même de l’activité de brasserie créée dans le prolongement de l’activité principale, en raison des possibles nuisances olfactives signalées au dossier » - CAA Marseille 4 décembre 2009 n° 07MA02143) étaient incompatibles avec le voisinage.

Par ailleurs, un bâtiment à usage de serre d’une superficie hors œuvre nette de 13 212 m² et d’une hauteur de 5,45 mètres, « eu égard à sa nature et à ses dimensions, […] doit être regardée comme une construction liée aux activités agricoles incompatible avec le voisinage des zones habitées » (CAA Nantes 16 octobre 2007 n° 16NT01863).

A l’inverse la construction d’une cave viticole et d’une habitation accolée, ne créent aucune nuisance particulière pour le voisinage (TA Montpellier 4 octobre 2007 ; V. toutefois, mais s’agissant d’une activité annexe, reconnaissant qu’une brasserie n’est pas compatible avec le voisinage en raison des possibles nuisances olfactives CAA Marseille 4 décembre 2009 n° 07MA02143).

4.

La jurisprudence s’attache également à vérifier que l’activité en cause, relève bien d’une activité agricole ou forestière et qu’il ne s’agit pas d’une activité industrielle.

Tel n’est pas le cas pour « une unité de traitement mécano-biologique de déchets non dangereux avec installation de stockage » (TA Bastia 9 juillet 2015 Associu per l’Arena n° 1400877).

A l’inverse, une miellerie a le caractère d’une activité agricole quand bien même l’apiculteur en cause, a développé également une activité marginale de production de bière au miel, dès lors que cette activité industrielle de transformation de ses produits qui intervient dans la continuité directe de son activité agricole, ne permet pas de qualifier l’ensemble de son activité d’industrielle (CAA Marseille 4 décembre 2009 n° 07MA02143).

5.

Par ailleurs, dès lors que le projet est situé dans un espace proche du rivage, il ne peut être autorisé à bénéficier de la dérogation prévue par l’article L. 121-10 du Code de l’urbanisme (V. par exemple pour une bergerie à 220 mètres du rivage, en covisibilité avec celui-ci CAA 11 octobre 2013 n° 12NT02432 ; V. également pour une serre de 13.000 m2 et d’une hauteur de 5 mètres qui n’est pas en covisibilité avec le Lac de Grand lieu, mais qui jouxte la limite des plus hautes eaux de ce lac CAA Nantes 16 octobre 2007 n° 16NT01863).

Enfin, lorsque le projet porte atteinte à l’environnement, il ne peut bénéficier de la dérogation prévue par l’article L. 121-10 du Code de l’urbanisme.

La cour administrative d’appel de Nantes a eu l’occasion de censurer un projet de construction « d’une usine d’une surface hors œuvre nette de 6.438 m2, composée de plusieurs bâtiments et notamment, d’une nef de 140 mètres de long et d’une hauteur de 7,7 mètres au faîtage, d’un groupe de silos dont le plus haut culmine à 18,8 mètres et d’un conduit de cheminée de 25 mètres de hauteur [dès lors] que la situation de la construction projetée, qui, d’une part compte tenu de sa hauteur, ne pourra être masquée par la création d’une ceinture végétale, et d’autre part, parce que, implantée sur une ligne de crête, sera visible du rivage maritime de l’Aber Wrach’h, est de nature à lui conférer, un impact visuel important » (CAA Nantes 7 juin 2005 Ministre de l’équipement C/ Association « Abers et Campagne » n° 04NT00463).

6.

Il ressort d’un arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille que l’article L. 121-10 du Code de l’urbanisme « n’exclut pas en outre, par principe, que l’exploitant puisse résider sur le lieu de son exploitation lorsque que, comme en l’espèce, la construction est principalement à usage agricole et se révèle nécessaire à l’exercice de l’activité et qu’au surplus la partie réservée à l’habitation est d’une superficie inférieure à celle consacrée à l’activité de l’exploitant » (CAA Marseille 4 décembre 2009 n° 07MA02143).

Cabinet d\’avocat OLEX - Maître Pierre JEAN-MEIRE
Avocat au Barreau de Nantes
www.olex-avocat.com
https://twitter.com/MeJEANMEIRE

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